Soigner du bout des doigts.
Viser les peines sans toucher les veines.
SANTÉ
Valérie Marais
10/25/20243 min read


C’est dans un superbe cabinet, au calme, où chaque chose est à sa place et chaque pièce porte en elle une lumière particulière, que je retrouve le Docteur Valérie Hebinger, acupunctrice, et aussi, un peu en retard..
« Je suis toujours à la limite du moment où je suis en retard » me sourit-elle.
Sa présence paisible, son regard pénétrant et sa voix douce racontent déjà une histoire avant même que les mots ne soient prononcés.
Portait d’une femme peu ordinaire .
C’est à l’âge de 7 ans, lors d’une hospitalisation de sa maman, que Valérie décide d’être médecin et cette vocation ne la quittera plus.
Elle s’oriente vers la voie de la médecine générale et d'urgence, et fait le choix de la médecine pré-hospitalière, et rentre au Samu.
A l’hôpital, elle y rencontre une grande famille, y tissent des liens forts, un métier qu’elle adore dès les premiers instants .
« Dans mon âme de médecin, je suis foncièrement hospitalière » confie t-elle.
Passionnée par les pratiques orientales, c’est une route personnelle qui lui permet d’envisager de travailler autrement face aux conditions de travail de plus en plus déplorables de l’hôpital public qu’elle considère pourtant comme sa maison.
C’est un changement d’activité, d’environnement et de vie toute entière qui s’opère alors.
Valérie divorce et apprécie la liberté d’être au centre de son existence. Elle peut ainsi orienter sa vie sans l’influence de l’autre .
« Le choix de notre partenaire peut définir notre destinée », avoue t-elle.
Pour quitter un emploi salarié et s’installer en libéral, elle mesure l’importance d’avoir été l’unique décisionnaire de ce changement courageux et radical.
Elle mettra une dizaine d’années pour renoncer vraiment à son métier d’urgentiste, sans se sentir nostalgique.
Ce fût un véritable deuil.
Quitter cette famille a été difficile. Mais cela en valait la peine, car elle estime avoir été au bout de ce qu’elle pouvait donner.
Et aujourd’hui, en pratiquant l’acupuncture, elle a la sensation de faire quelque chose qui a du sens.
« Je soigne un être humain plus qu’une pathologie », précise t-elle.
Traiter les patients dans l’entièreté de ce qu’ils sont avec leur histoire et leurs émotions, avec du temps et un lien suivi, voilà ce qui rebooste son énergie et nourrit sa force de soignante.
Elle a dû apprendre à éviter les veines, parce qu’en tant qu’urgentiste ce sont elles que l’on vise, s’amuse t-elle à raconter .
Valérie est une femme intègre et elle en récolte les fruits aujourd’hui.
« Je me sens à ma place, de plus en plus sereine, et apaisée, ouverte à ce que la vie me propose, je suis épanouie, rien ne me manque «, confie t-elle.
Elle se forme actuellement aux arts taoïstes, une suite naturelle à la médecine chinoise. Son vrai métier ? Apprendre toute sa vie, c’est sa grande passion. Elle aimerait faire des études continuellement. En plus de son diplôme en médecine générale et médecine d’urgence, Valérie inscrit aussi à son CV la médecine aéronautique, la médecine de catastrophe ainsi que la dégustation en vin dont elle est sortie major de promotion.
Valérie signe un parcours singulier.
Mais quand on l’interroge sur ce qu’il l’a profondément changée, elle évoque avec émotion la perte de son compagnon en 2006.
« J’ai cru que je savais beaucoup de choses sur la mort et que j’étais pas trop mauvaise pour ce moment si difficile et ce jour là, j’ai su que je ne savais rien .
Cet instant où il a fallu le regarder mourir alors que mon travail c’est d’empêcher les gens de mourir. Le fait d’attendre que sa vie cesse, ce fût compliqué, une forme de schizophrénie en tant que médecin. J’ai eu du mal à retourner bosser. J’avais envie de m’assoir avec les familles endeuillées et de pleurer avec elles. «
La mort de son compagnon a profondément changé qui elle était .
Ce fût une claque et un accouchement.
« J’ai appris à prendre la vie comme elle vient, sans impatience ni exigence. Ma dureté est devenue douceur et rondeur . Ce fût la semence de la graine que je chéris aujourd’hui et qui a éclos qui je suis .« , conclut-elle, le regard plein de vie.
Valérie Marais
